Ce soir, Lionel Jospin est venu me chercher à l’arrivée de mon train. Je revenais d’une journée passée à Aix en Provence, pour former les jeunes écologistes de Fac Verte au fonctionnement des CROUS, et à leurs élections ; Oui, parce que, c’est pas pour me vanter, mais il se trouve que j’ai découvert que j’étais le seul étiqueté écolo à avoir jamais été élu au niveau national étudiant (c’était en la glorieuse année 1996, on fera une fête l’an prochain pour les 10 ans). Alors, les p’tits jeunes, ils m’ont demandé de venir leur donner mon point de vue et de partager ma grande expérience. Vu que j’aime partager, surtout si y’a plein de jeunes femmes en pamoison dans la salle, j’ai accepté.
Enfin, tout ceci n’explique pas pourquoi Jospin m’attendait à la sortie de mon train. Avait-il eu vent de nos projets pour conquérir le milieu étudiant, et s’était-il dit que nous pourrions redonner un souffle à son éternel retour qui n’arrive pas grâce à nos idées neuves ? Ses conseillers lui avaient-ils glissé mon CV de consultant en communication politique en pré-retraite (ou pour préretraités) ? Voulait-il me proposer un poste de secrétaire d’état aux jeunettes en émoi ?
Ce soir, Lionel Jospin est venu me chercher à l’arrivée de mon train. Enfin, moi, et tous les autres passagers du TGV 6130. La tête déjà dans mes pensées, je me dirigeais vers le métro lorsqu’en levant la tête arrivé au bout du quai, à la recherche du panneau indiquant le chemin de la ligne 14, celle qui marche toute seule et brise les grèves de ces fainéants de la CGT (je m’entraîne pour préparer les prochains discours de Jospin), je me suis dit « tiens, Jospin », et j’ai poursuivi mon chemin. Avant de relever la tête et de me dire « ah, bah, oui, quand même, c’est bien Jospin ». Et de poursuivre quand même mon chemin. Non, parce que l’apparition de Jospin, c’est pas vraiment comme la Sainte Vierge, tout de même.
Voyant que les autres voyageurs l’avaient aussi repéré, je me suis arrêté quelques mètres plus loin, pour observer l’effet de notre candidat virtuel à la présidentielle sur mes congénères et écouter leurs commentaires. Et quelle ne fut ma surprise de voir que la plupart d’entre eux s’arrêtaient, souriaient, et repartaient en proposant des commentaires aussi profonds que « ah ouais, quand même, il est grand » (puisqu’on vous dit qu’il a fait du basket) ou « à la télé, il fait plus sévère » (mais que fait Séguéla, bon sang ?). Une femme alla même le saluer et échanger quelques mots. Elle était un peu hystérique en arrivant à ma hauteur, toute contente de lui avoir parlé. Son enfant de 5 ans la regardant avec un air bizarre… « Il est pas membre de la Star Ac’, lui m’man, pourquoi t’es toute chose ? - Tu comprendras plus tard, fils ! ». Un regroupement de touristes du troisième âge, qui faisait déjà très troupeau dans la gare d’Aix, s’arrêta à quelques mètres de lui. Quelques groupies lui firent des grands signes de la main, auxquels Jospin se contenta de répondre par un petit coucou. Pour avoir vu Chirac dans une situation équivalente, se précipitant vers les impétrants pour serrer une à une toutes leurs mains, on comprend mieux la défaite de 2002… Espérons que le prochain candidat de la gauche crédible sera plus proche du peuple ! Parce que le bain de foule en combinaison étanche, c’est pas le mieux que l’on puisse faire en la matière.
Bon, sinon, la vraie conclusion de ce week-end, c’est que suite à mon intervention auprès des djeunes de Fac Verte, j’ai pu constaté avec plaisir que les débats entre eux étaient les mêmes que ceux que nous avions à mon époque : « faut-il préférer nos principes ou composer avec la réalité, faut-il d’abord chercher à tuer l’Unef ou à se faire connaître, faut-il être indépendant ou faire des alliances et avec qui, etc. » Preuve que la jeunesse est éternelle, mais aussi que j’ai grandi et appris, ce qui fut rassurant pour moi, puisque je ne me pose plus ces questions, et que j’y ai apporté mes réponses. Mais ce fut tout aussi inquiétant, car le rapprochement avec les questions des partis adultes ne sont pas très différentes : « faut-il tuer le PS ou construire le parti vert en premier, faut-il faire des alliances ou aller en autonome, faut-il brader nos principes à la réalité ? ». Autant de questions sur lesquelles je vous laisse réfléchir devant votre clavier. Moi, j’ai tourné le dos aux Assemblées générales interminables depuis belle lurette, laissant à d’autres le soin de philosopher sans fin jusqu’au bout de la nuit. Et le candidat à la présidentielle en 2007, ce sera qui ?.