Tous les ans, la même question. Limite lanscinante, d’ailleurs, tellement elle est redondante. « Qu’est-ce que tu veux pour Noël » demande la tante. « Tu veux quoi pour Noël » interroge la grand-mère. « T’as demandé quoi au Père Noël » s’enquiert le cousin. « On n’a pas d’idée pour ton cadeau de cette année » se plaint la maman (1). Une fois passés les rêves hors de prix (un disque dur externe pour mettre tous mes MP3, 157€ dans tous les bons magasins) et les gadgets inutiles (un I Pod, pour remplacer le lecteur MP3 que vous m’avez offert il y a trois ans et qui n’a jamais servi), on ne sait trop quoi répondre.
Car au fond, ce que l’on veut, c’est des plaisirs simples. Comme ceux vécus récemment, au cours de deux journées mémorables et remplies de joies à -presque- zéro euro. La première de ces journées n’étaient pas destinée à être aussi forte. Un voyage à Strasbourg, dont on persiste à dire que c’est la Capitale européenne pour faire plaisir aux Français (alors que tout se déroule depuis belle lurette à Bruxelles), pour aller manifester pour le durcissement (oui, on n’est pas toujours opposé aux projets) d’une Loi européenne (un Règlement ou une Directive, ça s’appelle)
Cela avait commencé avec un ami très proche, dans le train de très tôt le matin (quelques fois, on fait un effort, pour justifier toutes les grasses matinées). Quelques échanges amicaux et complices, quelques confidences, un petit roupillon, quelques sourires. Une matinée brumeuse, le temps comme arrêté. Puis une manifestation devant le Parlement européen, entouré de visages connus et amis pas vus depuis longtemps, suivie d’un café au bar des Députés, souvenir d’une période tranquille et reposante passée dans ces mêmes murs, dans lesquels on court toujours mais où le temps semble suspendu. Une nouvelle manifestation s’ensuivit, pour ne pas perdre le rythme, avec des militants arrivés en retard (les conseils d’un bon lobbyiste seraient les bienvenus dans le monde des ONG, j’écris ça, je n’écris rien…).
Et une rencontre à cette occasion, avec une très jolie militante,
réalisatrice de documentaire, armée de sa caméra. Une visite du
Parlement offerte à cette dernière, et trois de ses accompagnants,
histoire de ne pas être trop balot d’entrée de jeu. Dans l’après-midi,
rien de bien chronophage ni compliqué à faire. Juste donner un coup de
main à l’ami du matin qui inaugurait une expo le soir, et saluer
quelques lobbyistes et assistantes de notre connaissance. Pour conclure
le périple parlementaire, l’inauguration de l’expo, avec de très belles
peintures de la Terre, au milieu de nombreux vieux amis, et surtout
d’une autre personne chère à notre cœur, et pas vue depuis des mois.
Enceinte jusqu’au cou, l’amie, ce qui est toujours réjouissant, pour
elle et pour la vie. Enfin, un retour en train, avec un autre vieux copain
, plus lointain lui, qu’on découvre plus personnellement à cette occasion, au
cours d’une conversation de vieux briscards de l’amour échangeant sur
leurs réussites et leurs déceptions, et sur le temps qui passe,
lentement et agréablement (oui, tous deux sommes heureux d’avoir
vieilli). Retour à la maison sur un petit nuage. Introuvable dans les
catalogues bariolés qui emplissent inutilement nos boîtes aux lettres…
La seconde journée mémorable ne s’annonçait pas comme telle non plus.
Elle commença par une réunion des Verts, pour parler d’Economie Sociale
et Solidaire (mon dada. L’un de mes dadas). On aurait pu craindre qu’un
samedi matin fut mieux utilisé à dormir, mais pour une fois, les
participants ne s’écoutaient pas parler, le contenu était présent, on a
pu tout de même faire son petit numéro de brillant orateur qui connaît
le sujet, et on a découvert à l’occasion que ce parti dont on craignait
qu’il ne fut perdu pouvait encore créer des propositions politiques
intéressantes.
S’ensuivit un bref échange avec un ami de plus en plus proche, puis la
visite d’un chouette appartement, dans un quartier sympa ; la rencontre
opportune d’un partenaire commercial tendance copinage ; la visite à un
salon des « fanzines punk-rock » où l’on se procura une petite nouvelle
fort distrayante (2€, édition Disco babel) et où on put échanger (oui,
oui, sans rien payer) quelques vieux disques dont on ne voulait plus
contre quelques nouveautés de fort bon contenu (du peer-to-peer à la
mode 19ème siècle ?). Et puis, au hasard d’une sortie de métro, on
croisa la femme d’un vieil ami perdu de vue (les déménagements, les
pertes de carnets d’adresses, les listes rouges, la hantise des
relations qui durent ?!), avec qui on échangea dans le froid pendant une
bonne demie-heure, prenant des nouvelles et se promettant de se revoir
(ce que l’on fera, résolution de nouvelle année). Pour finir la
journée, un petit concert rafraichissant, touchant et drôle (Jérémie
Kisling pour vous servir) avec une nouvelle dulcinée (rencontrée au
paragraphe précédent, les choses vont vite de nos jours, ma bonne
dame). Et enfin une bonne partie de baise. Parce que bon, quand même,
pour le plaisir, y’a rarement mieux. Mais allez commander ça à votre
grand-mère !
De toute façon, depuis quelques années, mon principal bonheur au moment
de Noël vient de l’invitation d’un de nos meilleurs amis à un dîner
post-orgiaque et frugal, à quelques uns. J’y reçois toujours un petit
cadeau (une illustration, au hasard, cet ami étant illustrateur, oui,
il se reconnaitra) qui me fait toujours aussi plaisir, et que je
m’empresserai d’aller afficher à côté de ses confrères. Cette année, je
suis même gâté : je vais dîner chez cet ami à qui je tiens, je passerai
le nouvel an avec deux autres amis parmi les plus proches, et je vais
travailler dès le 3 janvier avec le quatrième (vous avez suivi ?) de la
brochette de gens qui comptent dans ma vie. Alors, qu’est-ce que je
veux pour Noël ? Ben, je suis bien embêté pour vous répondre…
(1) toute ressemblance avec des personnes existantes étant évidemment purement fortuite.