Peut-on se déplacer sans galérer ? Oui, répondent en coeur Marc Fontanès, Ludovic Bu et Olivier Razemon. Ils sont les auteurs (prémonitoires ?) de Les transports, la planète et le citoyen, paru aux éditions Rue de l’Echiquier quelques semaines avant qu’un certain Eyjafjöll vienne semer la zizanie dans le ciel européen. L’un d’eux, Ludovic Bu, nous livre ses réflexions.
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Quelques poussières de volcan et la machine mondiale se dérègle. Me réjouissant sur Facebook de voir la pollution aérienne réduite à quasi néant, d’un simple coup de colère de la Terre, je me suis fait rembarrer par des amis dont les vacances prenaient une tournure inattendue. L’une ne pouvant partir en Tunisie et appelant à la «solidarité» avec sa situation. Comme si elle vivait un drame humain… L’autre ne pouvant rentrer du Mexique, coincé là-bas en voyage de noce. Est-ce si terrible que de voir son voyage de noce prolongé par la force des choses ? Finalement, l’une partit dans l’ouest, en covoiturage, et indiqua à son retour que « finalement, la Vendée sous le soleil, ça le fait bien aussi ». Quant à l’autre, il expliqua qu’ils seraient « bien restés un peu plus ! ». Beaucoup de bruit pour rien, finalement…
J’ai aussi participé à d’autres débats. D’expatriés au Canada pensant ne plus pouvoir revenir en France si les avions devaient arrêter de voler un jour. Comme si les bateaux n’avaient jamais flotté. Ou de business men comptabilisant les pertes colossales que ces quelques jours de paralysie entraîneraient s’ils devaient durer éternellement. Comme si la relocalisation de l’économie était inenvisageable.
En n’acceptant pas que la nature puisse être plus forte que l’humain, tous refusaient de voir ce qui va probablement se passer dans quelques années, lorsque les réserves de pétrole seront au bord de l’épuisement. Ce qui est considéré comme normal aujourd’hui ne pourra plus l’être (prendre l’avion pour partir en week-end, manger des haricots du Kenya en plein hiver, jouer un match de foot à Bordeaux un samedi et un autre à Munich trois jours plus tard sans être épuisé). Et il faudra faire preuve d’imagination pour réorganiser la vie en fonction de ces nouvelles contraintes.
C’est déjà faisable aujourd’hui. En octobre dernier, je suis parti en vacances, deux semaines. A mon retour, les rires fusaient parmi mes collègues. Simplement parce que j’avais été à… Montreuil. Oui, de l’autre côté du périphérique. Il est vrai que le soleil n’y est pas meilleur qu’à Paris, et que les plages de sable fin y sont rares. Mais on m’y avait prêté un ancien atelier industriel transformé en formidable loft, dans lequel j’ai pu écouter plein de disques (ma passion), à fond et sans gêner personne, et lire plusieurs romans qui prenaient la poussière sur les étagères de ma bibliothèque.
J’ai aussi beaucoup dormi et pratiqué le farniente, une activité prisée pendant les vacances et qu’on fait aussi bien à Montreuil qu’à Bali. Enfin, j’ai découvert un bout du patrimoine français et de son histoire (les murs à pêche) et quelques horreurs, pardon, chefs d’oeuvres architecturaux méconnus des années 50 à 70… Résultat des opérations ? Bilan carbone quasi nul. Prix du voyage inclus dans mon abonnement aux transports en commun. Risque d’annulation quasi nul également. Et si j’avais pris mes vacances ces dernières semaines, j’aurais probablement été l’un des rares en congé sur le lieu que je prévoyais initialement !
Mais je ne suis pas contre les voyages. Même en avion. D’ailleurs, j’ai été en Inde récemment. Je dis juste qu’il faut être modéré dans son usage. Tout en tenant compte de l’environnement dans lequel on vit. Notamment celui qui fait que si on ne part pas à l’autre bout du monde, on est out. Cela se retrouve dans nos pratiques quotidiennes. On veut aller vite, loin, toujours, tout le temps. Quasiment plus personne n’envisage ou n’arrive à habiter à quelques centaines de mètres de son lieu de travail. Tout le monde veut des transports rapides, fluides, agréables, et surtout, pas chers. L’ultra majorité continue à se déplacer systématiquement en voiture, même lorsqu’il existe des alternatives, souvent par paresse ou par méconnaissance. On pourrait par exemple, tout simplement, pratiquer la multimodalité : à chaque déplacement son mode approprié. Une course de 500 mètres, allons-y à pied. Un voyage au centre ville ? Les transports en commun. Et pour partir en week-end chez grand-mère, on loue une voiture.
Bien sûr on me pose de drôles de questions. Y a-t-il une idée géniale qui permettrait de résoudre tous les problèmes ? Vous croyez encore au père Noël à votre âge ? Peut-on rêver à des lendemains qui ne soient pas ceux de villes sursaturées et polluées ? Oui, à condition de remettre en question le toujours plus loin, toujours plus vite, toujours plus haut. Allez faire un tour sur le prolongement web de notre livre : enfiniraveclagalere.com. Vous verrez que les solutions existent. Et qu’elles ne sont pas aussi douloureuses que peuvent l’être l’annulation de vacances annuelles !