Très régulièrement, je m'élève contre l'usage abusif du terme "pris en otage",
par des voyageurs qui se plaignent d'avoir été coincés dans un train en
berne en rase campagne, immobilisé par une rupture de catenaire ou tout
autre avatar de problème technique ferroviaire. Ne parlons pas des grèves (de transports, d'école, de poste, etc.), pendant lesquelles chacun y va de sa galère (mais où étaient donc les fouets et les rames ?) ou de, là encore, sa prise d'otage par les méchants grévistes. Sans parler de ce marronnier d'été où l'on voit des vacanciers ne pas pouvoir partir à l'autre bout du monde, à cause de grèves (ou de volcan islandais) dont ils seraient otages...
Rappelez-moi, les méchants grévistes en question ont-ils enlevé de force les voyageurs qui se massent le matin sur les quais des gares ? Les ont-ils emmenés dans des cachettes recluses, en menaçant de les tuer si augmentation n'était pas accordée ? En ont-ils violés certains ? Quant à la galère, rappelons qu'il s'agit de la "peine de ceux qui étaient condamnés à ramer sur les galères du roi" (1). Il faut faire attention à ce que les mots veulent dire. A force de crier au loup, vous connaissez la suite.
Le 21 juillet dernier, Le Monde a d'ailleurs réalisé un joli montage d'images sur le même thème, que je découvre en écrivant ce billet :
Eh bien, il y a désormais des dégâts collatéraux de ces usages jusqu'en politique. En janvier dernier, c'est l'ensemble du personnel de la ville de Paris qui a été pris en otage ! Enfin, à en croire la Maire adjointe chargée des RH et la Secrétaire générale de la Ville, qui ont envoyé un e-mail à l'ensemble des 45.000 employés de la mairie de Paris, pour dénoncer "la prise d'otage" qu'aurait été la perturbation des voeux d'Anne Hidalgo à ses employés. En fait, quelques agitateurs ont perturbé la séance, qui se déroulait au POPB de Bercy devant une grande partie d'entre eux, pour dénoncer la politique sociale de leur employeur...
On comprend de mieux en mieux comment, lors de ses voeux à lui, en plein milieu de la campagne des élections régionales et avec des glissements sémantiques de la sorte, le socialiste Bertrand Delanoé s'était magiquement transformé en écologiste : il a dû être touché par le syndrôme de Stockholm après avoir été pris en otage par les élus verts de la capitale ! Il déclarait alors "je me revendique plus que jamais en 2010 comme un écologiste de l’action, un écologiste de la gestion pour des résultats." (2)
J'attends désormais avec impatience la rentrée et son lot de grève, pour retrouver l'utilisation abusive de ces termes. Ah, un petit truc pour les futures victimes des prises d'otages et des galériens des transports en commun : la prochaine fois, au lieu de vous engouffrer dans un train bondé comme des moutons, faites un tour sur En finir avec la galère.com. Vous y trouverez toutes les solutions de mobilité, mode par mode. Il y aura forcément quelque chose pour vous éviter la cale sordide d'un bateau et votre vie de forçat !
(1) Le Robert pour tous, 1999(2) Cette phrase est prononcée à la 12e minute et 20 secondes.
* La photo est celle du bus pris en otage cet été à Manille. Une vraie prise d'otage, celle-ci !