Désintéressement, bénévolat, intérêt général, démocratie
Les associations revendiquent haut et fort leurs valeurs : désintéressement, bénévolat, intérêt général, démocratie. Mais sont-elles réellement les porteuses de ces valeurs dans leurs pratiques quotidiennes ? On sait que nombre de poursuites aux prud'hommes pour harcèlement moral sont le fait d'anciens salariés d'associations, jusqu'à une défendant... les harcelés moraux !
Et côté démocratie, il est flagrant que nombre d'associations n'en connaissent pas le début de la couleur, des Présidents omnipotents et quasi nommés à vie prenant toutes les décisions. Malheureusement, leurs représentants nationaux ne font pas beaucoup mieux... Ils nous en ont donné la preuve lors de l'élection des représentants du monde associatif au Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE).
Entre 5 et 7% des emplois et 10 à 12 millions de bénévoles, représentés par le CNVA
On ne peut faire comme si de rien n'était. En effet, le secteur associatif représente entre 5 et 7% des emplois en France. Il regroupe entre 10 et 12 millions de bénévoles, actifs selon leurs priorités entre quelques heures par an et des plus que plein temps. Evidemment, les textes européens ou les lois et décrets français peuvent avoir de lourdes conséquences sur ces activités, nécessaires dans de multiples domaines. Mais le statut associatif est également utilisé à mauvais escient dans d'autres cas (notamment pour faire du commerce).
Le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) a été créé, et placé auprès du Premier Ministre, pour aider le pouvoir politique a prendre les bonnes décisions en matière de vie associative. Il a aussi pour rôle de réfléchir au futur de la pratique associative, pour l'accompagner. Enfin, il se fait le relais de ce que les centaines de milliers d'associations actives sur le terrain lui font remonter. Il est à noter que tous ses avis sont seulement consultatifs.
Depuis de nombreuses années, tout cela ne fonctionne pas bien. Comme nombre de « Comités Théodules » et autres « Commisions à la réflexion sur la prospective de la rénovation des perspectives » dont l'Etat est friand. A tel point que le Président de la République a décidé de passer un coup de balai et de réformer tout cela, en en faisant disparaître la grande majorité. Dont le CNVA. Il nous faut à regret reconnaître que, de toute façon, l'utilité de celui-ci n'est plus vraiment démontrée. Les travaux sont trustés par le bureau (quinze personnes), au détriment des séances plénières, qui se passent trois à quatre fois par an dans un bazar gentiment amateur, les échanges se transformant régulièrement en monologues de la Présidente expliquant les décisions du bureau.
Une dernière mission -dévoyée - avant de disparaître
Tout d'abord, c'est par un mail daté du 26 août que l'appel à candidatures a été lancé. Avec une procédure renforcée obligeant à avoir mandat d'une association pour pouvoir se présenter. Et avec une date limite pour déposer les candidatures fixée... une semaine plus tard ! A l'évidence, nombre d'associations, y compris parmi celles siégeant au CNVA, n'ont pu se réunir dans ces temps si courts pour décider d'une éventuelle candidature. Sans parler de ceux qui étaient en vacances à cette période.
Ensuite, la convocation à la séance plénière, généralement toujours doublée d'un envoi par mail, n'a été envoyée que par voie postale. A des adresses individuelles datant... d'il y a deux ans ! C'est ainsi que certains membres du CNVA ne sont tout simplement pas venus, par ignorance de la tenue du vote (car ils n'avaient pas reçu la convocation !). Quand d'autres n'ont découvert les candidats que le jour même de l'élection. Car aucune profession de foi n'a été envoyée. Tout juste une liste de quelques noms : ceux qui avaient réussi à tenir une réunion de leur association pour obtenir un soutien à leur candidature dans les temps. Ou ceux qui décident seuls dans leurs associations... Comme par hasard, une bonne part des candidats étaient membres du bureau du CNVA, et avaient donc été informés bien en amont de l'appel à candidature.
Aucun débat avant le vote
Une fois sur place, même manque de démocratie. Les candidats sont amenés à se présenter quelques minutes chacun. Mais aucun débat n'est organisé, aucune question ne peut être posée. Aucune autre personne ne peut exprimer son opinion sur le vote. Tout est sous contrôle. Résultat, le vote a lieu au bout de 40 minutes de séance, un comble pour des parangons de la démocratie. Voilà tout ce à quoi aura eu droit le CNVA comme campagne électorale et débat public...
Pratique pour ceux qui contrôlent l'organisme : ils peuvent se mettre d'accords en amont sur les candidats qu'ils souhaitent voir élus (ce qui n'avait pas été fait la précédente fois, d'où une partie du bazar). Et faire le nécessaire pour que tout se passe bien pour eux, notamment en rameutant des membres absents depuis plusieurs séances plénières. Et, sur 150 membres du CNVA, seuls 57 étaient présents pour voter... Même pas un sur deux.
Un résultat connu d'avance
En entrant dans la salle, plusieurs membres du Conseil rigolaient en se donnant le nom des futurs élus, avant même que le scrutin ne commence. Evidemment, il n'y aura qu'une maigre surprise à l'issue du premier tour : l'un des quatre candidats devant être élu ne l'est pas tout de suite. Les trois autres sont évidemment élus avec des scores staliniens. Il faut malgré tout procéder à un second tour, qui verra le quatrième larron rejoindre ses trois camarades, tous professionnels du bénévolat. Ils sont en fait tous salariés dans une structure associative. Mais peuvent siéger au CNVA au nom d'une autre... ou en étant "bénévoles au CNVA" comme le dit l'une d'entre eux (1).
Au bout d'un peu plus d'une heure trente, l'élection est bouclée. Le CNVA peut mourir, il a rempli sa dernière mission. De manière caricaturale. Espérons que dans sa prochaine configuration, la représentation du secteur associatif connaîtra une plus grande transparence ainsi qu'un meilleur fonctionnement !
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(1) Les membres du CNVA ne sont pas indemnisés. Seuls leurs frais de voyages sont pris en charge. Les membres du CESE, par contre, touchent un total brut mensuel de 3 767,91€.