Jean-Pierre Girault nous signale un site intéressant en ces jours de grands froids. Ce site donne la production et la consommation d'électricité par filière. Depuis plus de 48h, il nous précise que la France importe de l'électricité jour et nuit (à base de charbon, gaz et même de lignite). S'appuyant sur cette info, Jean-Pierre Girault poursuit : « Il n'y a pas encore assez de vent pour qu'il fasse vraiment froid et pour que tournent vraiment les éoliennes. Par contre, très souvent le nucléaire produit moins de 60% de nos besoins éCO2mix : consommation, production et contenu CO2 de l’électricité française »
Cette information a fait l'objet d'un échange intéressant sur Facebook, entre Jean-Pierre Girault, Olivier Razemon (journaliste au Monde) et Nicolas Imbert (Manager en Développement Durable dans un grand cabinet de conseil). Cet échange vous est livré ici en l'état.
Olivier Razemon : Super intéressant le site ! Le nucléaire est à moins de 60% quand la consommation est forte, c'est à dire les jours de froid, vers 19 heures. Sinon, c'est plutôt 75%.
Girault Jean-Pierre : Le pourcentage donné par filière est un pourcentage de fabrication française,et non de consommation. Pour le % de consommation il faut calculer par rapport au total consommé. C'est le chiffre donné en tête de page (entre 3 à 6% en plus, ces jours-ci, avec l'import).
Je suis ce graphe depuis plus d'un an. L'an dernier quand il a fait très froid avec un fort vent, les éoliennes tournaient à 70% de leur capacité, et fournissaient jusqu'à 15% de l'électricité. C'est pourquoi, il est difficile de calculer leur rentabilité pour le moment. Si elles tournent fort à 19h quand le MWh est à 150€, c'est bien mieux qu'à 3h du matin, où il doit être à 5€ en prix marginal.
Nicolas Imbert : Depuis quelques années, les problèmes de maintenance sur les centrales nucléaires françaises font qu'un taux de disponibilité de 60% est quasiment un exploit... et en parallèle, nous avons un réseau de distribution quasiment exclusivement conçu pour le nucléaire, et très peu efficace pour transmettre d'autres énergies, comme les renouvelables.
Girault Jean-Pierre : Et on a aussi une consommation qui augmente, avec les logements chauffés à l'électricité ou les pompes à chaleur. Quand un particulier interroge EDF pour installer un chauffage d'appoint solaire, dans 99% des cas, ça se termine par une pompe à chaleur.
Les TGV et trains hyper chargés sont très gourmands aussi. Sans oublier tous les appareils, internet, audio, super-télé... EDF pense battre son record de consommation demain. Aujourd'hui, pour la 1ère fois depuis longtemps, il n'a pas atteint ses objectifs prévisionnels. Plein de trains n'ont pas roulé !!!
Olivier Razemon : Les trains n'ont pas roulé à cause du froid?
Girault Jean-Pierre : Oui, beaucoup de trains. Aujourd'hui aussi la SNCF annonce des annulations. Autre explication à la baisse non prévue, c'est la réaction des Bretons à Ecowatt. Ils ont été nombreux à avoir la trouille d'une coupure potentiellement annoncée.
Olivier Razemon : Oui j'ai vu ça en effet. La peur d'une coupure, ça ne doit pas être seulement en Bretagne, car la courbe de la consommation est aujourd'hui beaucoup plus basse que prévue
Girault Jean-Pierre : C'est la panique organisée. En Bretagne il y a un système d'alertes vers les consommateurs qui marche mieux que celui de PACA. Il y a aussi l'association des maires de France dont certains relaient localement la restriction.
Dans les départements enneigés, ce sont des trains en moins... La consommation énergétique d'un train est proportionnelle au carré de sa vitesse. Avec les vitesses allégées, c'est 2 à 3 fois moins d'énergie nécessaire. Le problème pour les années futures : Sera-t-il raisonnable de faire rouler des trains (TGV) à 350km/h, car la consommation y est le double de celle à 250km/h ?
J'ai autre chose à ajouter sur le mythe, "EDF = 0 CO2". En se reportant sur les émissions de CO2 selon les horaires. La nuit avec 76 000MWh, on émet 7 778t de CO2, et vers midi, avec 86 919MWH, on émet 11 147t de CO2. Soit 100g ou 130 g de CO2 par Km/h. Sans compter la construction et la déconstruction des centrales qui mettent des années ou des dizaines d'années à couler ou casser du béton. Une tonne de ciment c'est 900 Kg de CO2, et une tonne de ferraille c'est 1,2 t de CO2. Un chiffre de comparaison. En une heure EDF émet autant de CO2 que 750 voitures qui ont roulé 100 000 km.
Nicolas Imbert : Cette question de la vitesse des TGV est essentielle pour les prochains investissements dans les réseaux de transports - car l'on peut aussi prendre le parti de réduire un peu la vitesse (par exemple faire Paris-Lyon en 2h15) si on améliore le confort des trains, et cela a plein d'avantage: outre la conso moyenne qui diminue, ça permet de mieux faire varier la vitesse et donc de lisser les pics de conso, mais aussi de moins user les rails
Et je constate avec joie que l'on utilise enfin le train comme variable d'ajustement - peut-être que cela va enfin motiver la SNCF pour construire massivement des renouvelables sur ses emprises et être plus autonome en énergie (biomasse, éolien, solaire distribué le long des voies)
Olivier Razemon : Je trouve vos analyses intéressantes mais je ne crois pas une seconde au fait que cela va inciter qui que ce soit à passer au renouvelable, en tous cas au non-nucléaire. Pour cela, il faudrait une crise majeure, un accident ou par exemple un cataclysme au Niger dont les Français se sentiraient collectivement coupables.
Girault Jean-Pierre : Je suis tout à fait d'accord avec toi Olivier. Aujourd'hui nous avons un parc éolien d'une puissance de 5300MW en France. Or, ces jours-ci, en période de froid, ce parc ne produit que 600 à 900MW, soit à peine 1% des besoins, 20% de sa capacité,ce qui est un peu en dessous de sa moyenne. Il se mettra en route efficacement, par grand vent froid. Le solaire, en hiver, c'est peau de chien. Les jours sont trop courts. Par contre, et EDF le pense aussi, nous n'avons plus besoin de nucléaire. Il faut des centrales plus souples. L'idéal serait de diviser par 2 la consommation de pétrole pour les voitures (plus petites, moins lourdes, vitesse limitée) et de reporter la moitié économisée d'une part en économies de consommation et donc d'émission de CO2 et d'autre part d'ouvrir de nouvelles centrales fioul, mais ce serait bien mieux au gaz.
Girault Jean-Pierre Il a dû faire froid la nuit de samedi à dimanche dans certaines régions. Il y a eu du vent, en tout cas. Et la consommation a été plus forte que prévue. Au lieu de 500 à 900MW, les éoliennes produisent 3200MW, soit 4% de notre production électrique, c'est plus que le fioul ou le gaz. Et même nous exportons à nouveau, 700MW.
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