Ah, la torpeur estivale, n'y a t-il pas plus douce période pour faire passer discrètement quelques décrets impopulaires ou franchement dégueulasses ? Chaque année, le gouvernement profite de ce que les médias parlent principalement des destinations touristiques, et que les citoyens soient justement partis pour ces destinations touristiques...
L'été 2011 ne dépareillera pas des précédents : prévue par la Loi Grenelle de l'Environnement, la "réforme de l'agrément au titre de la protection de l'environnement et à la désignation des associations agréées, organismes et fondations reconnues d'utilité publique au sein de certaines instances" vient d'entrer en vigueur. Et, comme c'était malheureusement prévisible, le Gouvernement en a profité pour exclure moultes associations citoyennes et écologistes des débats publics !
Et il semble qu'il y ait de quoi s'indigner ! Que vont devenir les petites associations locales ou groupes d’experts qui mènent au quotidien un combat contre certains lobbies industriels et économiques ? Si des géants comme Greenpeace, le WWF (116 000 adhérents) ou France Nature Environnement (plus de 800 000) dépassent très largement les minimums requis, de nombreuses associations plus pointues sortiront du jeu. Le « Mouvement des générations futures, Criirad, Criigen, Réseau Environnement Santé, Inf'OGM, pour n'en citer que quelques-unes – n'auront aux termes de ce texte plus le droit de participer, voire plus le droit d'être agréés » ajoute la Députée européenne.
D'ailleurs, mêmes les grosses associations, associées aux petites, se disent "consternées", et elles le font savoir dans un communiqué commun adressé à Nathalie Kosziusko Morizet, Ministre de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement. Elles relèvent aussi que "les demandes d'agréments pourraient se retrouver face à des refus arbitraires", car certains critères pour les associations locales sont flous. Enfin, elles notent que "sans agrément, la possibilité de porter plainte avec constitution de partie civile reste très réduite", ce qui limite d'autant les capacités d'action de ces associations. Dans ces conditions, les procès mettant en cause les lobbies deviennent beaucoup plus difficiles.
Seul Arnaud Gossement, ancien porte-parole de France Nature Environnement, et désormais Avocat associé au Barreau de Paris, Docteur en droit et Maître de conférences à Sciences Po Paris, voit ce decret d'un bon oeil. Il écrit sur son blog qu' "il s'agit d'une réforme indispensable qui permettra de mettre en valeur les associations ou fédérations d'associations qui oeuvrent réellement pour l'intérêt général. Espérons que les fausses associations constituées à des fins uniquement politiques ou financières soient progressivement mises hors jeu".
Et, effectivement, la question de savoir qui a le droit d'être consulté dans des débats publics vaut la peine d'être posée. Notamment pour éviter les associations paravents, comme les "écologistes pour le nucléaire" (!), celles pour les voitures électriques ou quantité d'autres faux nez de l'industrie lourde et polluante. Mais, même lui remarque qu'il eut fallut que ce décret soit accompagné "de mesures qui permettent de soutenir [l'action des associations] et d'encourager le bénévolat", et donc d'aider les petites associations à grandir et obtenir les fameux agréments.
Comme ces compléments n'ont pas été publié simultanément, il nous faudra donc être très vigilants pour les obtenir, ou, à défaut, voir le décret déjà publié être abrogé ou corrigé. Rendez-vous sur les plages, dans les campagnes, sur vos lieux de vacances et à la rentrée !