Dans son dernier spot radio, la Fondation de France clame que "De nos jours, pour obtenir un emploi, il faut d’abord acheter son propre véhicule. Mais de nos jours, pour acheter son propre véhicule, il faut d’abord avoir un emploi".
A l'en croire, ma femme et moi sommes donc chômeurs, puisque nous n'avons pas de véhicule (1). Il n'en est rien (et nous habitons en périphérie de ville, pas dans un centre). Ce qui m'amène à m'interroger sur la raison profonde de cette campagne au message mal venu.
Il est incontestable que sans mobilité, on a difficilement accès à l'emploi. Sauf à travailler chez soi ou à pouvoir se rendre à son lieu de travail à pied, ce qui devient de plus en plus rare. Mais de là à dire que sans voiture, pas d'emploi, il y a un pas. Que la Fondation de France franchit allègrement, dans un raccourci malheureux.
Depuis 2004, Voiture & co travaille à la mobilité des personnes en insertion. Et, parmi les acquis de l'expérience de l'association, un phénomène ressort de manière flagrante : l'exclusion par la symbolique. Trop d'offres d'emplois indiquent que le permis B est obligatoire, alors que le poste à pourvoir ne nécessite nullement de savoir conduire. Résultat, nombreux parmi ceux qui n'ont pas le trop précieux sésame ne candidatent pas, puisqu'ils savent qu'ils ne remplissent pas cette condition très facile à évaluer.
De même, plein de bonnes intentions, la plupart des acteurs du monde de l'insertion subventionnent le passage du permis de conduire de leurs bénéficiaires, en supposant ensuite qu'ils pourront accéder à l'emploi. Sauf que restent deux problèmes majeurs. Tout d'abord, et c'est le principal : y a-t-il des emplois exigeant les qualifications de ceux qui en cherchent ? Ensuite, même avec le permis, ces chercheurs d'emploi pourront-ils se payer une voiture, l'assurance, les réparations, etc. Là, la location à bas coût d'une voiture, action mise en place par Voiture & co ou Mobil'Ins à Avignon (subventionnée par la Fondation de France), est utile. Mais c'est bien la dernière roue du carrosse ! Or, la Fondation de France la présente comme condition sine-qua-non.
Comme le fait Bougez vers l'emploi, le programme de Voiture & co consacré à la question, il vaut bien évidemment mieux s'attaquer au fond du problème de la mobilité et DES solutions qu'on peut apporter aux différents chercheurs d'emplois. Cela passe par un diagnostic personnalisé, et tri dimentionnel : quels sont les besoins du chercheur d'emploi, quelles sont les réponses qui y existent éventuellement (autres que la voiture individuelle) et quelles réponses il est capable d'utiliser (par exemple, tout le monde ne sait pas faire du vélo ou prendre un bus). Cela prend du temps mais donne de l'autonomie aux chercheurs d'emploi. Et les rend plus aptes à trouver ce fameux emploi. Et à le garder !
En indiquant dans son spot que "Pas d’emploi sans véhicule, pas de véhicule sans emploi", la Fondation de France participe du paradoxe qu'elle entend dénoncer, très probablement malgré elle. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter les autres spots, qui, eux, ne véhiculent pas ces idées erronées et pourtant tant répétées.
A moins que son objectif ne soit d'aider à relancer le marché de l'automobile, fort créateur d'emploi dans nos contrées ? Ce serait un sacré paradoxe, que l'on pourrait résumer ainsi : "pour avoir un emploi, il faut une voiture. Mais pour avoir une voiture, il faut un emploi. Or, il n'y a pas d'emploi, parce qu'on n'achète plus de voitures. Alors, aidons à acheter des voitures, pour créer des emplois de vendeurs de voitures"...
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(1) ma femme n'a même pas le permis, c'est dire si elle doit être exclue (sic)
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