L'autre jour, j'étais sur un vélib, ce bon vieux pachyderme du cycle, avec ses 22 kilos et seules trois vitesses. Un outil bien pratique pour utiliser un vélo uniquement lorsque le besoin s'en fait ressentir, mais pas un foudre de guerre du bitume parisien. J'étais arrêté au feu à l'angle de la rue d'Amsterdam et de la rue Saint Lazare, un gros carrefour parisien avec un fort trafic, situé devant la Gare du même nom.
A peine le feu venait-il de passer au vert qu'un klaxon puissant déchire mes tympans juste derrière moi, me faisant sursauter et manquant de me mettre à terre. Un scooter me double alors à toute berzingue en hurlant « eh, faut avancer ! ».
Dangereux, moi, en étant lent ? Ce serait bien une surprise si la lenteur en ville était dangereuse. Je lui fais remarquer. Et ajoute que lui, avec son klaxon, m'a fait peur et à failli me faire tomber. Et que ça, « c'est dangereux ! ». Il n'a pas le temps de me répondre car le feu vient de passer au vert. Il démarre en trombe, accompagné de ses congénères à deux roues motorisés qui pensent tous être sur la grille de départ du grand prix de Monza. Dans leur foulée, les voitures accélèrent et déboîtent pour me doubler de toute part.
Je me remets à mon tour en marche, plus difficilement puisqu'il faut que j'entraîne à la seule force du mollet ces 22 kilos de ferraille qui me permettent de me mouvoir à la carte dans Paris. Quelques centaines de mètres plus loin, nouveau feu. Au rouge. Je rattrape encore le scooter malotru. Et le regarde avec un sourire narquois. Cela ne lui plaît pas. Alors, dès le feu passé au vert, il démarre encore plus vite, avec un geste d'énervement.
Pas de chance, il y a encore un feu quelques rues plus loin. Et je le rattrape à nouveau. Il le voit. Rebelote au feu suivant, là encore à quelques pâtés de maisons. A ce moment, je ne peux m'empêcher de me garer juste à côté de lui et de lui glisser « Il faut aller vite, hein ? Ben, j'ai pas l'impression qu'il y en ait un de plus rapide que l'autre. Mais dangereux, oui ! ». Sa réponse ne tarde pas : « je t'encule », vocifère-t-il, tout en appuyant sur son accélérateur, alors que le feu est encore au rouge... Il finit par s'éloigner de moi. Il faut dire que je suis arrivé à destination, 1,4 km après le début de cette histoire.
Moralité de l'histoire : il vaut mieux appuyer sur la pédale de manière constante qu'écraser le champignon. La récolte est meilleure et c'est mieux pour la nature et les nerfs. Et dire que La Fontaine avait déjà dit tout cela de si belle manière...