Contribution de Gaël Soreau
Responsable de 42.000 décès anticipés par an, le diesel, ennemi public n°1, est toujours en liberté inconditionnelle.
- 24 ans ans pour confirmer une vérité connue de longue date !
En juin dernier la nouvelle, qui n'en est pas vraiment une, est tombée : les émissions de diesel sont cancérigènes pour l’homme. Il aura donc fallu pas moins de 24 ans pour classer officiellement les gaz d’échappement des moteurs diesel cancérogènes pour l’Homme.
Car déjà, en 1988, le Centre International de Recherche sur le Cancer, organe de recherche contre le cancer de l’OMS, avait souligné le caractère potentiellement cancérogène du diesel en le classant dans la catégorie des «cancérogènes probables».
Mais, c'est véritablement la récente publication des résultats de l’étude américaine Diesel Exhaust in Miners Study, qui aura permis de passer des soupçons à la certitude, en démontrant que "l’exposition aux gaz d’échappement des moteurs diesels rejetés dans l’air, multiplie par trois le risque de mourir d’un cancer des poumons".
- 42.000 décès prématurés par an à cause du diesel
Parfaitement incolores et indolores, mais véritable poison inhalé au quotidien, les particules fines (PM) émises par les moteurs diesel, causeraient chaque année 42.000 décès prématurés. Les fabricants de voiture s'insurgent et se défendent en soulignant les progrès techniques accomplis pour améliorer les moteurs, grâce auxquels « les émissions polluantes seraient divisées par deux tous les cinq ans, depuis 1970 ». Autrement dit, plus une voiture est récente et moins elle pollue. En 2011, l'Europe est passée à la norme Euro 5 rendant obligatoire les filtres à particules. La norme Euro 6, qui permettra de limiter les oxydes d'azotes, entrera en vigueur en 2014.
- Des progrès techniques anéantis par l'augmentation des distances et le nombre de véhicules en circulation
Mais en dépit des progrès réalisés, anéantis notamment par l'augmentation de la demande, les particules fines voient leur concentration augmenter (jusqu’à 70%) dans les zones urbaines où la circulation est plus dense. C'est d'ailleurs dans ces zones où le plafond maximum de 50 µg/m3 (microgramme par mètre cube) fixé par l'Union européenne est régulièrement dépassé.
- 12 millions de Français touchés
D’ailleurs, le bilan de la qualité de l’air en France publié récemment, estime qu’en 2011, 12 millions de Français ont été soumis à des concentrations de particules fines supérieures à la limite autorisée. Des taux qui pourraient valoir à la France d'être poursuivie par la Cour de justice européenne. A ce propos, la France s'était déjà fait rappeler à l'ordre l’an dernier, car le maxima autorisé avait y été dépassé plus de 35 jours dans l'année.
- Une politique fiscale pourtant avantageuse pour le diesel !
Résultat d'une politique fiscale avantageuse, c'est dans l'Hexagone que l'on trouve la plus grande proportion de véhicules roulant au diesel. Dans les années 1990, l'Etat décide de favoriser ce carburant moins "propre" que l'essence, en réduisant son coût à la pompe. Résultat : en moins de 30 ans, le parc automobile français serait passé de 1,7 millions à plus de 24 millions d'unités. Aujourd'hui, 65% du parc est équipé en diesel contre seulement un quart en 1995. Un taux largement au-dessus de la moyenne européenne (qui s'élève à environ 52%).
A l'achat, les moteurs diesel coûtent sensiblement plus cher, mais ont des rendements supérieurs aux moteurs à essence, autrement dit, ils sont moins gourmands en énergie. A puissance égale, un diesel occasionnera donc moins de frais qu’un véhicule à essence pour parcourir plus de km par an. Et comme le plein est moins cher, le calcul est donc vite fait…
- Un bonus-malus soi-disant "écologique"
Par ailleurs, réputé plus « écologique » car moins émetteur d’émissions de CO2 au km parcouru que le moteur à essence, le diesel a bénéficié, une fois de plus, d’un coup de pouce supplémentaire de l’Etat, grâce au bonus-malus. Instauré dans le cadre du Grenelle de l’Environnement et mis en place dès le début de l’année 2008, le bonus-malus visait à orienter le choix des consommateurs en primant l’achat de véhicules neufs peu émetteurs de CO2. En effet, tout nouvel achat d’une auto moins polluante en CO2 bénéficiait d’une réduction, le bonus, tandis que le prix de vente des modèles polluants était quant à lui majoré d’une taxe, le malus.
Mais dans l’équation, l’Etat n’avait pas prévu l’effet d’aubaine que cette mesure allait engendrer. Cette réforme a considérablement augmenté les ventes (dont une majorité de diesel), se traduisant in fine par une double hausse des émissions liées à la production et à l’utilisation de ces nouveaux modèles.
Le bilan national de cette opération s’avère donc être un véritable échec puisque l’on se retrouve aujourd’hui avec une double augmentation des émissions de CO2 et des particules fines, l'une directement responsable du dérèglement climatique, l'autre extrêmement cancérogène pour l'homme.
- "Preuves irréfutables et conclusion unanime". Et maintenant quoi ?
Malgré la reconnaissance officielle des effets délétères des émanations des moteurs diesel sur la santé, les mesures sont loin d'être à la hauteur des réactions. Si la reconnaissance est collective, aucune interdiction de vente n'a été prévue pour le moment. La piste du dispostif ZAPA, Zones d'Actions Prioritaires pour l'Air, ayant officiellement été reporté, l’Etat favorise et subventionne donc toujours le diesel. Une façon indirecte de financer l’augmentation du cancer des poumons. Certains s'amusent d'ailleurs à oser quelques comparaisons avec le scandale sanitaire causé par l'amiante, qui rappelons-le avait été classé dès 1973 comme substance cancérogène par l'OMS, mais véritablement interdit en France qu'en 1997, soit 24 ans plus tard !
Enjeux économiques colossaux, pression et lobbying industriel, roulez donc jeunesse, le diesel semble avoir encore de belles années devant lui !