Je profite d'un congé de quelques jours pour lire des articles que je
n'avais pas eu le temps de lire depuis décembre... Parmi eux, deux articles du Gerpisa, l'un sur Autolib et son inutilité sociale, l'autre sur les écologistes face à l'automobile. Interpellé en tant que client critique d'Autolib et en tant qu'écolo fin observateur du monde de l'automobile, je ne puis m'empêcher de réagir aux propos de Bernard Jullien.
Évidemment,
lorsqu'il va à une rencontre organisée quasi uniquement par
eux, il est logique qu'il tombe sur quelque chose de caricatural. C'est
l'effet groupe : chacun veut paraître plus radical que son voisin. C'est
un peu comme la fois où j'ai assisté au groupe automobile des anciens
de l'ESCP (j'y étais déguisé en stationneur, donc ils m'ont pris pour
l'un des leurs). On est entre soi et on se fait plaisir à avoir raison
tout
seul... On se rassure, aussi, sur le fait que ce qu'on raconte est juste
(car tout le monde doute une fois en privé, je suppose).
Ceci étant, je le rejoins sur un point : les associations écolos n'ont
pas vocation à prendre le pouvoir et d'autres, dont c'est le rôle,
s'approprient ce qu'elles racontent, le transforment un peu / beaucoup,
et le rendent acceptable par la majorité. Ce n'est pas à France Nature
Environnement ou Respire de penser à la place des industriels, que M.
Julien représente peu ou prou. Ni à la place des décideurs politiques
(absents ce jour là, visiblement).
Par contre, elles sont parfaitement
dans leur rôle lorsqu'elles exigent plus pour obtenir le minimum. Nous
sommes dans un pays de coqs, donc il faut bomber le torse plus que le
voisin pour être entendu. Si tu viens à la nord européenne, en exposant ton
point de vue de manière modérée, car ayant déjà pris en compte le point
de vue de l'autre / des autres, eux ne le feront pas. Et alors, le
chemin qui mène à un compromis penchera de leur côté in-fine, puisque en
France, on fait les lois en fonction d'un centre de gravité entre les
différentes basses-cours et de leur poids respectifs en nombre d'oeufs pondus chaque jour.
Malheureusement, notre beau pays manque cruellement de lieux
dans lesquels on peut discuter sans faire les coqs. Juste pour que
chacun entende le point de vue réfléchi des autres, sans autre enjeu que
de comprendre ses problématiques propres. Par exemple, j'aime beaucoup
travailler avec les industriels de l'automobile. Car eux ne
réfléchissent pas globalement pour agir localement (le slogan écolo),
mais plutôt "compte de résultat prévisionnel", "calcul d'amortissement",
"valeur actualisée nette" et autres obsessions financières. Qui font
partie de notre monde tout autant que les problèmes de dérèglement
climatique. Je leur apporte le regard de celui qui est préoccupé par le
second aspect mais comprend les premiers. Et je les aide à tenter de
trouver des solutions pour qu'ils puissent tenir compte de ce second
aspect dans leur coeur de métier. Ce n'est pas le rôle d'un colloque
comme celui organisé par Agir pour l'Environnement à l'Assemblée
nationale. Et M. Jullien a beau jeu de faire comme s'il ne le savait pas.
A l'inverse, je le rejoins totalement dans son analyse d'Autolib. C'est
un service de plus, qui s'adresse à ceux qui ont déjà accès à 80% de
l'offre de transports en Ile de France. Et ceux qui n'ont que la marche
et quelques lignes de bus à leur disposition passent à côté d'Autolib, à
cause de prix trop élevés (et du fait qu'il faut avoir le permis pour
en profiter). D'ailleurs, il me semble avoir écrit quelque chose dans
cette veine dans le livre "Les transports, la planète et le citoyen", auquel je le renvoie avec plaisir.