Le 12 mars dernier, TDIE et Infrastructures et Mobilités organisaient un petit déjeuner autour de la question "qualité de l'air, quelles solutions de mobilité ?". Organisé autour de Louis Nègre, Sénateur et Maire de Cagnes sur Mer, y prenaient aussi la parole Matthieu Glachant, professeur à Mines ParisTech, directeur du Cerna et Alexis Vuillemin, sous-directeur à la DGITM, soit un Economiste universitaire et un représentant de l'Etat.
Intéressant, en particulier sur le sujet polémique du péage urbain, l'échange fut riche. Et j'ai eu l'occasion d'y prendre la parole. Retranscrite en partie dans le journal et sur les sites des deux organisations. A lire ci-dessous.
Ludovic Bu, consultant sur la mobilité durable et le covoiturage
Concernant l’acceptabilité sociale du péage ou du prix du stationnement, le stationnement payant est quasiment gratuit en France par rapport au tarif à Londres, New York ou Sydney, pourtant il n’est pas payé et il est peu accepté. L’acceptabilité suppose de comprendre que la solution proposée est utile, mais elle vient aussi du sentiment d’urgence ou de pénurie, les deux allant souvent ensemble.
J'en donnerai deux exemples sur le covoiturage, qui n'a pas été abordé. A New York, touché par l’ouragan Sandy, du jour au lendemain, des ponts et des rues étant inaccessibles, plus une seule voiture ne passait un pont s’il n’y avait pas trois personnes dedans, et cela n’a posé aucun problème. On a mis des policiers à chaque pont, les gens se sont auto-organisés. Il n’y avait pas besoin de sites Internet ou de labels, simplement parce qu’il y avait une pénurie et une urgence. L’acceptabilité sociale a été immédiate.
La pollution n’est peut-être pas considérée comme un problème immédiat, mais plus lointain.
En 1995 en France, lors des grandes grèves des transports en commun, le covoiturage a été également immédiat : aucune organisation, aucun label, aucune contrainte. Dans toutes les voitures, on voyait deux, trois ou quatre personnes. Les gens étaient prêts à faire un détour par solidarité, parce qu’il y avait une contrainte et une compréhension de l’urgence et de la nécessité.
Or, que font les politiques ? Ils font l’inverse : s'il y a des embouteillages et que les transports en commun sont trop pleins, ils annoncent qu'ils vont ajouter des routes et des transports en commun et qu'il n’y aura donc plus de problème. Il n’y a donc aucune urgence ni aucune contrainte.
Enfin, le pire est d'agir par à-coups : [avec le projet de circulation alternée en cas de pic de pollution] on dit aux citoyens : « Trois jours par an, débrouillez-vous ! Et le reste du temps, continuez comme vous avez toujours fait ». On n’est pas en train de mettre en place une solution pour changer les habitudes, mais une contrainte qui ne sera pas plus respectée que la loi sur l’air, non appliquée depuis 1996.
Pourquoi les politiques n’insistent-ils pas sur ce caractère d’urgence et de pénurie ? Stockholm est une île : on ne pouvait pas ajouter des kilomètres de transport et de route. [Il y avait donc une pénurie de territoire bien comprise, qui a permis l'instauration du péage urbain, pour favoriser les transports en commun, moins consommateurs d'espace]. A La Réunion, le territoire est aussi contraint et certains le comprennent, [veulent optimiser l'existant], même si d'autres veulent ajouter une autoroute au-dessus de la mer...
Réponse de Louis Nègre
Je trouve la question très intéressante et pertinente sur la façon dont on gère la cité en France. Quand on est au fond de la piscine, les Français réagissent, mais on devrait avoir un comportement plus raisonnable et ne pas attendre l’urgence absolue pour prendre une mesure. Loi sur l’air, plans particules et PPA : on a déployé tout l’éventail théorique et politique à la fois avec une efficacité très aléatoire. Pourquoi prend-on des dispositions qui ne sont pas efficaces ? C'est la question de l’évaluation de nos politiques publiques, qui souffre d’un vrai déficit en France. Il semblerait que le gouvernement s'y lance et je l’en félicite. C’est l’argent public que l’on engage. Un maire qui lancerait des politiques sans qu’elles aboutissent serait viré par le peuple.
Au niveau national, il faut se poser des questions. Par exemple, pourquoi ne peut-on pas favoriser le covoiturage de manière significative en France, alors que cela se fait dans d’autres pays et même les plus libéraux au monde ? Aux Etats-Unis notamment, on voit des péages dont le prix change à la minute, qui induisent des comportements que l’on comprend et qui ont une contrepartie. Nos gouvernements successifs n’ont pas toujours dit l’exacte vérité aux Français et cela devient donc difficile de leur demander de modifier leurs comportements.
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Vous pouvez retrouver l'ensemble du compte-rendu de la réunion ici.