A l’occasion d’une présentation d'un projet innovant porté par un grand groupe et un groupement d’une dizaine de PME, j’ai été interrogé sur ce qui permettait aux petites et moyennes entreprises d’innover. Et surtout sur ce que, selon mon expérience, les élus pouvaient faire pour aider l’Innovation. Voici les quelques pistes que j’ai indiquées.
Tout d’abord, l’innovation vient souvent de quelqu’un d’un peu fou,
visionnaire. C'est ce que j’ai vu au cours de ma carrière professionnelle. Lorsqu’il communique son idée, tout le monde le
regarde bizarrement. Et soit il se lance seul, soit on le laisse
faire, dans le cas où il est déjà dans une
entreprise.
Ensuite, il faut dire que l’innovation vient souvent d’un cross-over entre disciplines. Or, l’éducation que nous recevons en France est très cloisonnée. On ne mélange pas Histoire et Physique, pas plus qu’on ne permet de faire appel à des connaissances qui ne sont pas au programme de l’année. Difficile dans ce cadre d’avoir une culture de l’innovation… Il faudrait casser cela et ouvrir les fenêtres de ce que nous apprenons à nos enfants. Cela vaut aussi pour les programmes d’aides à l’innovation, qui sont trop souvent cloisonnés par thématiques.
Enfin, le système français ne favorise pas vraiment l’innovation. A l’exception des entreprises qui sont spécialisées dans la recherche de fonds destinés à l’innovation, et dont les trouvailles ne servent pas toujours ensuite, les PME ont beaucoup de mal à dégager le temps nécessaire pour rechercher des aides qui, pourtant, existent. Sans parler du fait que si le produit imaginé est trop neuf, aucune banque ne suivra, n’ayant pas de fonds destinés à cela et n’aimant pas trop sortir des clous de l’habituel. Les fonds d’investissements et de Capital risqueurs sont aussi trop peu nombreux.
Les élus peuvent aussi suggérer ou légiférer pour obtenir des simplifications des démarches sociales. Et surtout arrêter de voter des mesures rétro-actives ou des modifications trop fréquentes des assiettes et taux de calculs. Difficile pour les entreprises, sinon, de faire des prévisionnels un tant soit peu réalistes !
Toujours côté finances, il faudrait pouvoir trouver un mode comptable permettant d’intégrer la vocation innovante de certains projets d’entreprise. Aujourd’hui, il faut obtenir des résultats chaque année, comme le veut l’obligation comptable. Alors qu’il faut normalement trois à dix ans pour développer puis faire adopter une innovation à son public.
Enfin, encore dans ce secteur capital, les élus peuvent arrêter de ne financer que la technologie, et se consacrer aussi aux idées, aux services, à l’aide aux personnes. Certes, il n’y a rien à placer en caution des sommes reçues pour l’innovation. Mais ces domaines sont aussi pourvoyeurs de nouveautés très utiles. Et qui sont, qui plus est, créatrices d’emplois non délocalisables !
Dernière idée qui m’est venue à l’esprit au cours de cette intervention : que ces mêmes élus mettent fin à cette maladie française qui consiste à ne financer que les « expérimentations » mais pas le développement. Pourtant, et c’est là une faiblesse de notre tissu économique, le passage de la troisième année pour une PME est parfois plus difficile que la création ! Et c’est là que se joue la réussite de l’innovation portée.
Bref, quelques idées jetées en pâture à ceux de nos élus intéressés par la vie des entreprises, et dont l’objectif n’est pas juste de coller des nombres d’emplois créés dans un bilan annuel de mandat. Espérons qu’elles seront reprises !
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Vous pouvez aussi lire deux articles de Frédéric Fréry, qui était mon professeur de Stratégie à l'ESCP-Europe :
- "La France 24e en termes d'innovation, loin derrière Hong Kong... Et si on se coupait de nos racines paysannes ?" (sur Atlantico.fr)
- "Un succès passé est souvent le pire des freins à l’innovation dans une entreprise" (sur Capital.fr)