Après presque dix jours de pollution, Matignon prend enfin la mesure qui s'impose, avec la mise en place de la circulation alternée. Bien sûr, on aurait pu espérer des décisions plus ambitieuses, la Loi le permettant.
Par exemple, il eut été simple de décréter que dans les périmètres pollués (et pas uniquement à Paris et ses communes limitrophes), ne pourraient plus circuler que des véhicules avec au moins trois personnes dedans (sauf véhicules d’urgence ou de personnes handicapées, bien entendu). Ça a été fait à New York après le passage de Sandy, et ça a parfaitement fonctionné du jour au lendemain, sans aucun processus législatif compliqué ou choix d’équipements longs à installer !
Ceci étant, réjouissons nous qu'une mesure soit prise. Il était temps d'agir, vu l'ampleur de la catastrophe sanitaire. Des milliers de personnes sont en détresse respiratoires depuis des jours, à commencer par les enfants. Ce n'est pas parce que les morts ne se voient pas (puisqu'elles arrivent en différé) qu'elles n'existent pas. Donc les désagréments causés par une atteinte de quelques jours à circuler seul en voiture sont à mettre en balance avec l'urgence sanitaire !
Qui contesterait que l'on réduise la vitesse sur une autoroute lorsqu'il y a des blessés sur le bord de celle-ci ? Qui protesterait contre une évacuation à cause d'un incendie ou d'une tempête mettant des vies en danger ? Nous sommes actuellement dans un cas similaire, face à un cas de force majeure, de santé publique. C'est incontestable et seuls des bagnolards irresponsables continuent à rouspéter contre ce qu'ils considèrent comme une atteinte à leur liberté. Comme si on ne pouvait circuler autrement qu'avec un véhicule à moteur à quatre roues et un seul occupant...
Ceci étant, la circulation alternée ne suffira pas. Il faut aussi des mesures de long terme. La gratuité des transports en commun, de vélib et d'autolib n'est pas une réponse satisfaisante. La seule lutte contre le diesel non plus. Il faut encourager la marche à pied et l'utilisation massive du vélo pour les distances de quelques kilomètres. Faciliter, voire favoriser, le covoiturage pour les plus longues.
Et surtout, réduire les distances que tout un chacun a besoin de parcourir pour répondre à ses envies (loisirs, sports, amis, famille) et nécessités (travail, courses, etc.). En jouant sur le logement et l'implantation des emplois, sur tout le territoire ! Car le véritable problème n'est pas le manque de solutions de transports, mais le fait que nous en ayons tant besoin.
Ludovic Bu,
Président de l'association Moins Vite, spécialiste des questions de mobilité durable, co-auteur de « Les transports, la planète et le citoyen » (Rue de l'échiquier, 2010)