Interpellé par le questionnement d’une amie sur un réseau social, j'ai réfléchi à comment je tente, à mon échelle, de lutter contre le vote FN.
Premier réflexe, à ceux qui me disent voter ou penser voter pour la grande bourgeoise de St Cloud, je tente de parler de leurs émotions : de quoi sont-ils déçus ? A qui en veulent-ils, eux ? Pourquoi pensent-ils que la fausse blonde réussirait là où les autres échouent ? Bref, j’essaie de me mettre au même niveau émotionnel (ce qui n’est pas toujours simple). Et d’engager le dialogue.
Sinon, une technique que j'ai plusieurs fois utilisé, et qui fonctionne pas mal : j'écoute les gens me dire "y'en a marre de..." (souvent au choix parmi “les étrangers”, “le chômage”, “l’insécurité”, “les décisions de Bruxelles” ou “le déclin de la France”). Je discute tranquillement, en tentant de toujours être courtois. Je leur demande, lorsque, quasi immanquablement, la question des étrangers / immigrés vient sur la table, ce qu'il entendent par ces termes. En général, la réponse correspond à quelque chose comme "tout ce qui n'est pas Français depuis au moins trois générations". Je laisse dire.
Et puis, à ce moment, je demande à mes interlocuteurs : "maintenant que nous discutons depuis plusieurs minutes, que pensez-vous de moi ?". En général, les gens me répondent qu'ils apprécient notre échange. Il est même arrivé que certains me disent que je suis "un bon Français". Alors, je leur glisse que je suis pourtant "un étranger", selon leur définition. Et je leur explique mon histoire familiale, et combien la France a su accueillir mes deux parents (l'un Slovaque, l'autre Italienne), et combien à l'inverse, nous avons collectivement failli avec ceux qu'ils désignent comme étrangers, qui sont, pourtant, comme moi, Français. Je les pousse à dire qu’en réalité, c’est ceux qui n’ont pas la peau blanche qui les dérangent. Je leur rappelle alors qu'il y a des noirs et des arabes qui sont Français depuis bien plus longtemps que ma famille.
Ça déstabilise mes interlocuteurs. Et là, on peut commencer à parler des vrais problèmes : taux de chômage super élevés dans les quartiers populaires, là où on parque les arabes et les noirs (ceux qu'ils appellent "les étrangers"), manque de reconnaissance voire stigmatisation sociale, manque de perspectives, etc. Et là, en rappelant qu'ils sont donc aussi Français que moi, ces "étrangers", je mets mes interlocuteurs face à leurs contradictions, en leur demandant ce qu'ils pensent qu'il faut faire pour aider ces Français.
Et puis, on peut aussi parler de leurs propres frustrations, de leurs peurs, et voir comment résoudre les problèmes qu’ils rencontrent, plutôt que de s’en prendre à plus malmenés qu’eux. A partir de là, on peut parler politique, sans juste faire appel aux éructions de Mme Le Pen comme unique solution.
Et vous, vous vous y prenez comment ?